La première trouvaille du Midem: un chercheur de Princeton

L'industrie discographique a ceci de supérieur sur la construction maritime qu'il faut beaucoup moins de temps pour lancer une idole qu'un pétrolier.

Sans doute devera-t-on à Lucien Morisse la révélation 1967. Je n'ai pas entendu les disques du jeune homme mais les renseignements que le Deuxième Bureau du MIDEM m'a communiqués sur lui laissent bien augurer d'une carrière pittoresque.

Il est pupille de la nation, âgé actuellement de 23 ans, nanti d'un diplôme d'études supérieures de mathématiques et d'un doctorat en physique du troisième cycle.

Il s'appelle Évariste mais ne cherchez pas dans vos souvenirs, vous ne l'avez jamais vu dans les coulisses de l'Olympia ni au Petit Conservatoire de la Chanson de Mireille car son théâtre à lui, c'était jusqu'ici l'université de Princeton. Il s'agit en effet d'un authentique chercheur et il ne faut imputer le choix de son pseudonyme qu'à l'admiration qu'il a vouée à Évariste Galois, physicien de génie, lui aussi.

Lucien Morisse, chez qui il échoua après avoir essuyé plusieurs fins de non-recevoir dans certaines grandes firmes parisiennes, s'enthousiasma rapidement. Moitié pour les dons mélodiques de ce nouveau poulain, moitié pour son bagage scientifique (Antoine n'est à côté de lui qu'un collégien...). Encore que l'un et l'autre interfèrent assez étroitement: le titre d'un de ses futurs <tubes> n'est-il pas <Dis-moi, connais-tu l'animal qui inventa le calcul intégral?>

Les maîtres d'Évariste se nomment Einstein, Escudero, Laurent Schwartz et Michel Polnareff. Sa position contre la bombe atomique est la même que celle de Brassens et de Ray Charles, à ceci près que lui est peut-être capable d'en fabriquer une...

Il ne bricole d'ailleurs pas que dans la chanson, puisqu'on lui doit déjà la mise au point d'un rayon lumineux qui permet de commander à distance un téléviseur et l'invention d'un rasoir se mettant en marche automatiquement lorsqu'on le soulève. Ses attachés de presse, insatiables, ajoutent qu'il parle couramment l'anglais et qu'il a appris l'hébreu en quinze jours.

De ses oeuvres complètes on ne connaît actuellement en France que sa thèse de doctorat soutenue sur le délicat problème des particules élémentaires. Sur la page de garde figure une dédicace fort sérieuse à l'intention de ses professeurs de l'université. Et tout de suite, en dessous, on trouve cette mention inattendue: <Je remercie également les docteurs J. Lennon et P. MacCartney (1) pour leur aide>.

Il est toujours courageux de citer complètement ses sources.

(1) Il s'agit de deux authentiques Beatles.